Résumé
L’activité de recherche peut être envisagée comme une tentative permanente de concilier exigence professionnelle de rigueur scientifique et pression à remplir une certaine utilité "sociale". Nécessairement réalisée au sein d’organisations, la pratique de la recherche reflète également un compromis instable entre les modes de gestion de la main d’oeuvre et les attentes de réalisation professionnelle. A cela, s’ajoutent les effets liés au positionnement de l’organisme de recherche dans les champs économiques et académiques, ainsi que les positions et trajectoires de chaque chercheur au sein de l’institution qui le rémunère. De plus, l’internationalisation renforcée de la compétition, tant scientifique que financière et politique, se traduit par l’importation de dispositifs de gestionnarisation dans un secteur où ils en étaient relativement absents (quantification accrue, évaluations standardisées, normalisation des procédures et des objectifs, etc.). Dans un tel contexte d’incertitude croissante, quelles peuvent être les marges de manoeuvre encore à la portée des chercheurs "de base", tout particulièrement pour les sociologues sommés de prouver leur "utilité" économique ? Pour apporter quelques éclairages, nous analysons les cadres d’action et les pratiques de sociologues travaillant au sein d’un laboratoire de R&D d’une multinationale. Ce cas, emblématique des organisations soumises aux exigences industrielles et commerciales, permet de souligner :
- le rôle des différents groupes professionnels en compétition pour tenter de réduire les activités de recherche à leur seul versant utilitaire ;
- et les déstabilisations successives que connaissent les chercheurs, leurs pratiques et leurs identités.
Au-delà de la spécificité d’une telle configuration, ces résultats présentent de nombreux points communs avec les transformations contemporaines d’une recherche publique soumise à des impératifs gestionnaires.
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